Margotte is right. Gannat est la châtellenie la plus méridionale des Bourbon, toute proche de l’actuel Puy de Dôme. Une position stratégic qui, au Moyen-Âge, accueillait une forteresse où des soldats étaient installéy. Seules ses quatre tours d’angles et son mur d’enceinte ont été conservéy. A partir du 15^ème siècle, le château a une tout autre fonction…

Vous v’nez, les drôles ? Allons trouver Piz, qui est ma foi ben embêté…

Chic ! De la main d’œuvre ! Merci d’être venus pour m’aider à choisir le matériau adéquat… Vous savez, tous les styles sont présents à Gannat ! Cette bâtisse, par exemple, dispose d’une imposante façade en pierre calcaire.

C’est rupin ! Qui vivait iqui ? Un empereur romain ?

Un peu de jugeotte, Margotte ! Son vocabulaire se veut « classique », comme l’indique ces colonnes empruntées à l’Antiquité. Elle devrait également présenter une symétrie parfaite autour d’un axe central… J’ai bien dit, devrait !

Changement de style avec la Poste, dotée d’une toiture à forte pente et d’une façade en briques polychromes… Son architecture reprend les matériaux historiques du Bourbonnais, malgré un vocabulaire des années 30.

En matière de bâti, Gannat est la ville de tous les poussibles ! Je comprends que Piz s’emmêle les outils…

Encore une architecture particulière, avec le marché couvert ! Malgré un matériau assez lourd pour la structure, on a une impression de légèreté. Ces parois vitrées donnent à voir un grand volume, avec peu de points d’appui. Ainsi, les producteurs disposent d’espace pour dresser leurs étals.

Au N 46°05.946' / E 003°11.932', découvrey la Maison Machelon, l’une des plus anciennes de Gannat. Vous la reconnaîtrey grâce à ses pans de bois en forme de « croix de Saint-André » et son encorbellement.

Bon, Piz ! J’ai mal aux arpions ! Il est encore loin, ce chantier ?

On y arrive ! Mais avant, laisse-moi te montrer un matériau que j’aime beaucoup travailler. Contrairement au reste de l'Auvergne, l’Allier n’a que peu de lien avec le volcanisme… Pourtant, la pierre de Volvic, cette roche noire originaire d’une coulée de lave, est utilisée à Gannat, dont la frontière avec le Puy de Dôme est proche.

La mairie, elle aussi, est à la croisée des cultures et des fonctions ! Son portail possède des colonnes en calcaire et des décors en pierre de Volvic. Son étrange tour hexagonale, et l’inscription sur le linteau, rappellent que le palais de justice était intégré aux locaux.

« Si j’avais un marteau ! Je cognerais le jour, je cognerais la nuit, j’y mettrais tout mon coeuuuur ! »

Ça y est, Bianka. J’ai trouvé du monde ! Un véritable parterre de professionnels qui va nous aider à statuer sur le sort de « la bade-gorge ».

Vous avez compris quèqu’chose, vous autres ?

Si nous vous avons demandé de venir, Piz et moi, c’est parce que nous sommes en désaccord sur la façon de soigner cette gargouille, que tout le monde ici surnomme « la bade-gorge »... Voyez comme la pauvre souffre le martyr !

C’est parce que l’eau de pluie lui sort par la bouche ! Personnellement, je serais d’avis de l’enduire, de manière à ce que l’eau n’y pénètre plus.

Et moi, je dis que cela dénature la fonction première d’une gargouille !

Le mieux, c’est encore d’y demander...

Alors, ma pauv’ dame… Pourquoi que vous vous tenez la corniaule, coume ça ?

J’avais raison ? La bade-gorge a besoin d’un plâtrage d’estomac ?

Remballe ta truelle, Piz ! La bade-gorge souffre, certes, mais de la solitude ! Depuis tout c’temps, elle aimerait avoir d’la compagnie ! C’est pour ça qu’elle fait cette trogne. Parce qu’elle s’ennuie !

Je n’aurais jamais cru que la bade-gorge avait besoin d’un ami… Voyons voir. Quelle pierre vais-je utiliser pour sculpter une deuxième gargouille ?

I beg your pardon, mais vous passiey devant le four banal sans même le regardey ! « Banal » signifie qu’il était la propriétéy du Sire de Bourbon. Les paysans, venant y moudre leurs grains, devaient payer une redevance à sa seigneurie… Dans votre cas, ce four pourrait servir à cuire une gargouille en argile...

T’y counnais ren. C’est du calcaire qu’il faut ! En Bourbonnais, cette roche est utilisée en « pierres de taille » pour les chaînages d’angles et les encadrements d’ouvertures. On en trouve pas mal sur le site du Mont-Libre !

Un bloc de calcaire, c’est l'idéal ! Allons là-bas.

Piz, tu as ripé du niveau à bulle ?! Pourquoi le toit de cette usine est en dents d’scie ?

On dit aussi en « shed » ! Cette forme permet d’installer des fenêtres sur la partie la plus verticale. Elle est orientée vers le nord, afin d’offrir une luminosité constante dans l’espace de travail. Le soleil ne tape jamais directement. Ne pas avoir de fenêtres en façade permet d’optimiser les murs de l’usine, pour entreposer les matériaux ou les machines !

En route vers le Mont-Libre ! On va ramener des berouettes de calcaire !

Un bloc suffira, Margotte. Merci.

Belle ascension, les ch’tis gâts ! Faisons une pause pour attendre Piz qui a du mal dans la montée...

Pfiou ! Le Mont-Libre, ça se mérite ! Dis donc Margotte… J’espère que tu ne t’es pas trompée de carrière ? On en voit plusieurs d’ici !

Gannat est entourée de coteaux calcaires. Le Mont-Libre, où nous allons, et les Chapelles dans notre dos, plantées de résineux. Au loin, on perçoit des carrières d’extraction de pierre, destinée à être transfourmée en chaux. Utilisée dans les enduits, elle permet aux murs de respirer. Répandue sur les sols agricoles, elle en diminue l’acidité et renforce leur fertilité.

Le calcaire n’est pas utilisé qu’en blocs de pierre !

T’as ben rason. Pour vivre, l’homme puise aussi dans le sol de quoi construire son habitation, se chauffer et se nourrir... Les pratiques agricoles dépendent d'ailleurs de la richesse du sous-sol ! Aga don, là-bas... Tu vois ces petites guitounes au milieu des champs ? Ce sont des cabanes de vignes

Ça veut dire qu’il y a eu des vignobles, sur ces coteaux vallonnés ?

Hé oui. La vigne a b’soin de minéraux coume le calcium ou le fer, présents naturellement dans ces sols calcaires. Elle pouvait donc s’y épanouir…

On est arrivés ! Regarde Piz, c’est le front de taille ! Pour extraire le bloc de la nouvelle gargouille, il n’y a plus qu’à se retrousser les manches… Ou plutôt, trouver un engin.

Ça ne va pas être un petit boulot…

Tu l’as dit… Même si l’extraction « à ciel ouvert » est plus simple comparée à la mine ! Elle reste toujours à l’air libre et facilement accessible pour les camions.

Une fois qu’la roche est séparée de son sol, il faut l’emmener au « concassage ». Dans le cas de graviers ou de pierres à effriter, le concasseur écrase la roche à l’aide de deux mâchoires verticales. Ensuite, le convoyeur, ce long bras que l’on aperçoit à proximité des bâtiments, l’achemine vers le tri mécanique. C’est le « criblage », d’où l’expression : « passer au crible » !

On te laisse te dépatouiller avec ton bloc, Piz ! Tu nous rejoindras sur le champ de foire... Té ! On dirait Hoop et Scoti là-bas ! J’va voir c’qu’elles bidouillent...

Alors les gâtes, on rêvasse ?

Pas vraiment. Hoop et moi travaillons sur un diagnostic du développement urbain de Gannat. A la croisée des cultures, mais aussi des axes d’échanges, la ville s’est peu agrandie autour de son cœur historique, déjà très dense. Elle s’est étirée vers le sud. C’est dans cette extension « tentaculaire » que l’on retrouve les zones pavillonnaires, commerciales et l’ensemble des équipements publics, comme les écoles.

Bloquée par les coteaux à l’ouest, la ville de Gannat s’est développée dans la plaine de la Limagne le long des axes de circulation…

Tu savais qu’on appelle la plaine de Limagne, le « triangle fertile » ? Il y a 23 millions d'années, la Limagne était noyée sous un immense lac tropical. Au fil du temps, des sédiments s'y sont déposés, rendant la terre riche... Le paysage est donc très ouvert, mais les arbres ne sont pas pour autant absents ! Tu es contente, Hoop ?!

Les axes de transport, comme l’autoroute et la voie ferrée, structurent le paysage. Une halle de marchandises, ce long bâtiment à proximité des rails, ainsi que les nombreux silos, sont les témoins de l’importance de cette plaine productive.

Souvent, j’me repère grâce au clocher de l’église. Ici, les silos sont si hauts qu'une fois j’ai ben failli m’perdre !

Ouf ! Piz ne d’vrait plus tarder. J’espère qu’il a extrait une belle pierre pour sa gargouille…

Attention, chaud devant ! Ecartez-vous !

Haha ! Tu comprends pourquoi les charretiers, qui descendaient les gros blocs de calcaire du Mont-Libre, peinaient à ne pas faire s’emballer « le charroi »  ? Mais te v'là de retour su’ le plancher des vaches.

J’ai besoin d’une pause…

Avec ses espaces ombragés et la présence de ce ruisseau, appelé l’Andelot, le champ d’foire est parfait pour ça ! Cependant, ne te fie pas au calme ambiant. Les jours de foire, y’avait d’l’animation !

Aujourd’hui encore, le « Festival des Cultures du Monde » rythme cet endroit... Quand la bade-gorge aura son ami, ils pourront faire la fête !

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